Cet article a été publié pour la première fois dans l’Annuaire des Jésuites de 2021. Vous pouvez trouver l’intégralité de l’annuaire en suivant ce lien.
Il y a quelques années, nous avons conçu le « Chemin ignatien » avec le but de recréer le chemin parcouru par Iñigo depuis sa maison de Loyola jusqu’à Manrèse, en 1522. Il est aujourd’hui proposé à tous ceux qui désirent suivre les pas du « pèlerin » dans le nord de l’Espagne.
Pour lui, tout avait commencé l’année précédente, en 1521, lorsque, le 20 mai, il est gravement blessé aux jambes en défendant la forteresse de la ville de Pampelune de l’attaque des Français. Après son transfert à Loyola, il y restera plusieurs mois en convalescence, risquant la mort par moments, jusqu’à sa complète rémission. Comme nous le savons, Dieu s’est servi de livres religieux disponibles dans la maison pour toucher son cœur, à tel point que tous ceux qui l’entouraient se sont progressivement rendus compte que quelque chose avait changé en lui, que le malade n’était plus le même. Ce fut ainsi : Íñigo décida de quitter tout ce qu’il avait entrepris jusqu’à ce jour, et de partir en pèlerinage à Jérusalem en tant que pénitent. En février 1522, pratiquement sans bagages, il part pour Barcelone avec le but d’embarquer pour la Terre sainte. Toutefois, avant d’atteindre les côtes de la Méditerranée, il décide de passer quelques jours de calme à Manrèse. Il y restera jusqu’au mois de février 1523, presque onze mois, qui seront déterminants pour sa conversion.
À Manrèse, il va reconnaître que « toutes les choses lui semblaient nouvelles » ; c’est la consolidation de la transformation initiale commencée à Loyola. Pour cette raison, nous avons choisi de fêter Ignace pèlerin 500 plus tard, avec la devise : « Voir toute chose nouvelle en Christ ». Dans le Christ, son Seigneur, à la suite duquel il cheminera toute sa vie. Celui qu’il découvre intérieurement, celui qu’il apprendra à tant d’autres à connaître, à aimer et à suivre par le biais des Exercices spirituels.
La Compagnie de Jésus a aujourd’hui l’occasion de se renouveler profondément, elle-même ainsi que tous ses amis et collaborateurs, à partir de l’expérience de son fondateur. Le retour à des thématiques telles que le cheminement spirituel, la réconciliation, la conversation spirituelle, le discernement, l’identité et l’histoire ignatiennes et jésuites, les vocations et leur promotion auprès des jeunes, la mission d’évangélisation… tout ceci aidera à reconnaître l’œuvre de Dieu agissant depuis toujours. L’ « Année ignatienne » se concentrera tout particulièrement sur deux réalités : la conversion et la pauvreté, à partir desquelles a lieu l’évangélisation. C’est ce qui est arrivé à Ignace de Loyola, lequel, dépouillé de tous ses biens, se laisse conduire par l’Esprit sans le précéder. Une pauvreté qui unit au Christ pauvre et humble, ainsi qu’aux pauvres, ses amis. Une pauvreté vécue aujourd’hui de manière communautaire, institutionnelle et globale, en examinant quelle est la meilleure façon de combattre l’injustice dont souffrent les personnes et la nature. Depuis 2019, la Compagnie a choisi de suivre ce même chemin avec les Préférences apostoliques universelles, largement présentes dans cette publicatio. Ainsi donc, la célébration de l’Année ignatienne ne prétend pas rajouter de nouveaux éléments, mais combiner avec les PAU tout ce qui sera proposé.
Pour encourager la promotion de ces attitudes, plusieurs groupes sont à l’œuvre depuis 2017, notamment en Espagne et à Rome. L’objectif étant que cette conversion puisse être vécue dans tous les endroits où est présente la spiritualité ignatienne : collèges, universités, centres de spiritualité, centres sociaux, lieux d’accueil et d’aide aux migrants et réfugiés, paroisses et sanctuaires, à travers les lettres et les arts, grâces aux différents médias, etc. Bien évidemment, tous sont invités à user de leur imagination et de leur capacité d’organisation d’activités, mais à condition de garder le cap sur l’intention première : s’appuyer sur le cheminement intérieur d’Ignace entre Loyola et Manrèse, puis aussi jusqu’à Rome, pour que chacun puisse, en l’adaptant comme il convient, « en tirer profit » comme le demandent les Exercices spirituels. Toute action devra être combinée, de façon ajustée, avec la contemplation, et le regard vers soi-même devra l’être avec le regard extérieur. Pour nous aider, nous serons attentifs à la manière dont Ignace se laisse porter à la suite du Christ ; ainsi, la nouveauté de ce qui est expérimenté après une conversion pourra être vraiment vécue avec Jésus Christ.
Si l’ouverture de l’ « Année ignatienne » veut faire mémoire de la blessure d’Iñigo, le 20 mai 2021, sa clôture aura lieu au moment où l’on célèbre la naissance au ciel du pèlerin, le 31 juillet 2022. Entretemps, nous ferons mémoire des 400 ans de la canonisation de saint Ignace, le 12 mars 2022, le même jour que saint François Xavier, sainte Thérèse d’Avila, saint Isidore le Laboureur et saint Philippe Neri ont été canonisés. Voici certainement une occasion favorable pour réfléchir à la sainteté dans l’Église et aux voies que Dieu a choisies, et continue de choisir aujourd’hui, pour conduire ceux qui se mettent à sa portée.
Traduction Beatriz Muñoz Estrada-Maurin
